InVivo révolutionne la gestion des fermes : Quand la délégation totale s'invite à l'échelle nationale

Publié le 4 septembre 2024 par Victor Berthon

Le modèle de la délégation complète en agriculture : Un tournant pour la gestion des fermes en France


Depuis une dizaine d'années, la gestion déléguée des fermes est en plein essor en France, en particulier dans le secteur des grandes cultures. Ce modèle, qui consiste à confier l’intégralité des travaux agricoles à un tiers, souvent un voisin ou une entreprise de travaux agricoles (ETA), concerne déjà 13 % des exploitations spécialisées en grandes cultures en 2020. Une pratique qui s’est développée à la faveur de l’évolution des modes de vie des agriculteurs, notamment les jeunes héritiers doubles actifs et les exploitants en fin de carrière ou retraités.


Ce modèle de délégation a d’abord été porté par des sociétés spécialisées telles qu’Ag’Conseil, Terrea, ou encore Agriland. Progressivement, certaines coopératives régionales comme Noriap et Euralis ont également saisi cette opportunité, proposant des services de gestion déléguée à leurs adhérents, gérant ainsi chacune plusieurs milliers d'hectares.


Aujourd'hui, c'est au tour du géant coopératif InVivo de s’emparer de ce marché avec le lancement de son service national d’« assistance à la gestion d’exploitations agricoles », baptisé Sowfields. En phase de test depuis juillet 2023 dans deux régions, ce service vise à s'étendre à neuf régions d'ici cinq ans. InVivo prévoit de recruter des « régisseurs » dans chaque région pour accompagner les exploitants ou les ETA dans la gestion de leurs fermes. Ces régisseurs, salariés d'une filiale nationale dédiée, seront chargés de gérer les exploitations pour le compte des propriétaires, en prenant en charge non seulement les travaux agricoles, mais aussi la gestion administrative et technique.


Pour soutenir ce service, InVivo a développé un logiciel innovant destiné à gérer plusieurs fermes simultanément, en offrant des fonctionnalités allant de la planification des cultures à la gestion des flottes de matériel, en passant par l'analyse financière et la négociation avec les créanciers. Ce nouvel outil devrait permettre à InVivo de se différencier des services existants en offrant un contrôle et un monitoring plus poussés.


Le lancement de ce service par InVivo, un groupe coopératif majeur en France, marque un tournant dans l'adoption du modèle de délégation en agriculture. Cependant, ce développement suscite également des inquiétudes parmi les syndicats agricoles et certains acteurs politiques.


Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, se dit défavorable à ce modèle, soulignant les risques pour l'installation des jeunes agriculteurs et l'accessibilité aux aides publiques. Il appelle à une réflexion sur les causes profondes de cette évolution, notamment les difficultés liées à la transmission des exploitations et à l'attrait du métier d'agriculteur.


La Confédération paysanne, par la voix de sa porte-parole Laurence Marandola, dénonce quant à elle une « agriculture sans paysan » et exprime des craintes pour la souveraineté alimentaire, redoutant une concentration excessive du pouvoir entre les mains de grandes entreprises. De son côté, la Coordination rurale voit dans ce modèle une forme d'intégration qui menace la viabilité des exploitations familiales.


Enfin, le député socialiste Dominique Potier, fervent défenseur de la régulation du foncier agricole, s'inquiète du changement d'échelle opéré par InVivo et alerte sur le risque d'intégration verticale, craignant que ce modèle ne devienne une norme au détriment de l'agriculture familiale traditionnelle.


Le lancement de Sowfields par InVivo illustre ainsi un mouvement de fond dans le paysage agricole français, où la délégation complète des travaux agricoles pourrait devenir un modèle dominant, transformant profondément la structure et l'organisation des exploitations en France. Toutefois, l’avenir de ce modèle dépendra largement de la réaction des exploitants, des jeunes agriculteurs, et des pouvoirs publics face à cette évolution.


Victor BerthonVictor Berthon


Source : Agra Presse