Moins de vaches, moins de cuir

Publié le 6 décembre 2024 par Sophie Chatenet

Bien que la France soit le premier exportateur mondial de peaux brutes, leur traitement et leur revente par les abattoirs n’est guère une activité rentable. Dans le même temps, la demande globale a baissé, en raison notamment d’une baisse de l’utilisation de cuir à l’échelle mondiale, en particulier dans les industries de la chaussure et de l’ameublement, au profit d’autres matériaux synthétiques. C’est l’un des constats qui est ressorti de la présentation annuelle des résultats de l’Observatoire économique de l’Alliance France Cuir. L’organisation regroupe 21 fédérations professionnelles, de l’élevage à la vente du produit fini dont, pour l’amont, la Confédération nationale de l’élevage (CNE), Culture Viande (abattage), la Fédération française des cuirs et peaux ou encore le Sifco (équarrissage). « Les statistiques du commerce intérieur de la France font apparaître, pour les huit premiers mois de 2024, un ralentissement des échanges de matières premières autour de -4 %, dont respectivement de -6 % pour les ventes de cuirs et peaux brutes et de -3 % pour les cuirs finis », détaille Philippe Gilbert, directeur de l’Observatoire économique. Les ventes à l’étranger de cuirs et peaux bruts de bovins et de veaux ont été réduites d’environ 10 %, celles d’ovins étant relativement stables, indique le rapport.

Moins d’abattages, moins de cuir

« Cette tendance est directement liée à la baisse des abattages, c’est un phénomène mécanique », analyse Christophe Dehard, le nouveau président de l’Alliance France Cuir, élu en juin dernier.

Sur les huit premiers mois de 2024, cette régression a concerné toutes les filières, gros bovins (-2 %), veaux (-4 %), ovins (-5 %) et caprins (-2 %). « Nous restons vigilants car le phénomène s’aggrave », note le président d’Alliance Cuir et responsable des ventes des coproduits du groupe SVA Jean Rozé. « Sur les dix dernières années, nous avons perdu 800 000 têtes. Chaque année nous en perdons 100 000 ». Les abattoirs industriels -qui contrôlent la commercialisation de leurs peaux- et les négociants en peaux -qui vendent celle des « petits » abattoirs- pâtissent également de l’évolution qualitative du cheptel bovin. « Nous abattons de moins en moins de races à viande -celles qui fournissent les plus belles peaux-, au profit de races laitières dont les peaux— plus fines et moins grandes- ne trouvent que très peu preneur en Europe », constate-t-il. Ces coproduits, qui servent traditionnellement -avec le reste du cinquième quartier- à couvrir les coûts d’abattage, partent vers des marchés moins valorisés, ce qui n’est pas sans incidence sur l’équilibre économique de l’activité de traitement des cuirs, selon les professionnels. D’après Christophe Dehard, la filière va devoir s’adapter à la poursuite probable de cette évolution du cheptel dans les années qui viennent.

Des opérations gourmandes en personnel et en énergie

En moyenne, on vend les cuirs 40 % moins cher qu’en 2018, malgré des charges qui, elles, ont augmenté », précise Christophe Dehard.

L’amélioration de la valorisation des peaux constitue donc un enjeu important pour l’amont de la filière, d’autant que le marché a tendance à évoluer vers du « moins mais mieux ». La traçabilité des cuirs, de plus en plus exigée par les destinataires finaux, doit permettre d’améliorer la qualité de l’offre et favoriser la montée en gamme. « La traçabilité existe déjà sur la viande, il faut l’appliquer avec la même rigueur au cuir », milite le président d’Alliance Cuir. « Pour chaque peau, nous pouvons aujourd’hui connaître l’ensemble du parcours de l’animal, de son lieu d’élevage à l’endroit où sera transformée sa peau en cuir, et même les produits qui pourront être fabriqués grâce à elle ». Une information qui permet également d’identifier l’origine de défauts récurrents (piqûre, cicatrice ou autres) et de remonter à la source pour améliorer le processus. Pour améliorer la qualité des peaux, la filière cuir a notamment accompagné les éleveurs dans le passé dans la vaccination contre la teigne ou dans la lutte contre le varron.

Une campagne de communication

Basée sur une étude du FILK Freiberg Institute de 2021*, la nouvelle campagne de communication de l'Alliance France Cuir valorise le cuir en mettant en avant ses capacités techniques comparées à d’autres matériaux.

campagne de communication Alliance France Cuircampagne de communication Alliance France Cuir


Des ventes dynamiques à l’export

Dans un contexte économique chahuté, la filière française du cuir (25 milliards d’euros de chiffre d’affaires) se porte plutôt bien. Grâce, notamment, à ses positions dans le secteur de la chaussure, de la maroquinerie ou de la ganterie, la France devrait conserver cette année son rang de quatrième exportateur mondial avec 19 Md€ de marchandises exportées pour une balance commerciale excédentaire d’environ 6 Md€, indique l’Observatoire économique du cuir. Les exportations ont considérablement progressé entre 2019 et 2023, avant de ralentir ces derniers mois. Les deux premiers clients de la France sont la Chine (14 % du total) et les États-Unis (13 %).