đ§ On vous rĂ©sume la confĂ©rence de Jean-Marc Jancovici au Sommet de lâĂlevage 2025
Lors du Sommet de lâĂlevage 2025, lâingĂ©nieur et expert Ă©nergie-climat Jean-Marc Jancovici est venu aborder un sujet crucial : lâavenir de lâagriculture et de lâĂ©levage face Ă la double contrainte du climat et de lâĂ©nergie.
Une confĂ©rence dense, lucide et saluĂ©e pour sa capacitĂ© Ă mettre des chiffres clairs derriĂšre un enjeu majeur : comment continuer Ă nourrir la France dans un monde oĂč les Ă©nergies fossiles se rarĂ©fient ?
đ Une double contrainte : climat et Ă©nergie
Pour Jancovici, la transformation du modĂšle agricole nâest pas une question dâopinion, mais une question de physique.
« La dĂ©carbonation, on va devoir la gĂ©rer. Parce que mĂȘme si on nâen veut pas, on va la subir. »
Le changement climatique, une réalité physique
Le rĂ©chauffement climatique est dĂ©sormais irrĂ©versible Ă court terme. MĂȘme si les Ă©missions de COâ sâarrĂȘtaient demain, leur effet se prolongerait pendant des milliers dâannĂ©es.
Conséquence directe pour les agriculteurs : plus de sécheresses, moins de rendement herbager, plus de stress thermique pour les animaux.
Une Europe dépendante du pétrole
Lâautre contrainte est Ă©nergĂ©tique. LâUnion europĂ©enne importe 97 % de son pĂ©trole et 90 % de son gaz. Or, selon les projections du Shift Project, les exportations des principaux pays producteurs vers lâEurope devraient ĂȘtre divisĂ©es par deux dâici 2050.
Cela signifie une chose :
« MĂȘme sans parler de climat, la baisse de lâaccĂšs Ă lâĂ©nergie fossile rendra notre modĂšle agricole actuel intenable. »
âïž Le rĂŽle des Ă©nergies fossiles dans lâagriculture moderne
Lâagriculture a connu une rĂ©volution grĂące au pĂ©trole et au gaz. Mais cette dĂ©pendance est aussi sa faiblesse.
Une puissance énergétique colossale
Un tracteur de 80 chevaux équivaut à la force de 600 paires de jambes de cyclistes entraßnés.
Une moissonneuse-batteuse, Ă 5 000 paires de jambes.
Cette puissance mĂ©canique, permise par le pĂ©trole, a rendu possible une productivitĂ© inĂ©dite. Mais elle a aussi créé une dĂ©pendance forte : sans Ă©nergie fossile, plus dâengrais, plus de transport, plus de logistique.
« Lâagriculture moderne, câest dâabord de lâĂ©nergie transformĂ©e en nourriture. »
đŸ Le scĂ©nario du Shift Project : concilier production, climat et rĂ©silience
Le Shift Project, que préside Jancovici, a développé un scénario de conciliation entre production alimentaire, résilience énergétique et objectifs climatiques.
Un modÚle agricole repensé
Ce scénario permettrait à la France :
- de nourrir 87 millions de personnes en 2050,
- de diviser par 2,5 les importations (notamment de soja),
- de tripler la production de bioénergie,
- et dâatteindre les objectifs de la StratĂ©gie Nationale Bas-Carbone (SNBC).
Le tout, sans effondrement du potentiel nourricier ni décapitalisation massive du cheptel.
đ LâĂ©levage herbager au cĆur de la transition
Dans cette perspective, lâĂ©levage herbager nâest pas un problĂšme, mais une partie de la solution.
Les prairies, un puits de carbone sous-estimé
Les prairies permanentes stockent autant de carbone quâune forĂȘt Ă lâhectare. Elles compensent aujourdâhui 25 Ă 30 % des Ă©missions des ruminants français. Leur maintien est donc un levier stratĂ©gique pour le climat.
« Retourner une prairie, câest comme brĂ»ler une forĂȘt : on libĂšre immĂ©diatement le carbone accumulĂ©. »
Les systĂšmes herbagers, plus sobres et plus autonomes
Les Ă©levages Ă base dâherbe consomment dix fois moins dâĂ©nergie indirecte (engrais, aliments achetĂ©s) que les systĂšmes intensifs Ă base de maĂŻs ou de soja.
Ils sont moins dépendants des intrants, plus résilients face aux chocs énergétiques, et valorisent des surfaces non cultivables.
En résumé :
« Le ruminant reste le seul capable de transformer lâherbe, que nous ne mangeons pas, en protĂ©ines. »
đ¶ Une transition possible, Ă condition dâassurer la viabilitĂ© Ă©conomique
Le Shift Project a mené une grande consultation auprÚs de 8 000 agriculteurs.
Les résultats sont clairs :
- 86 % des éleveurs se disent inquiets pour la pérennité de leur ferme face au climat.
- 75 % redoutent la hausse du coĂ»t de lâĂ©nergie.
- Mais 93 % sont prĂȘts Ă sâengager dans la transition, Ă une condition : ĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ©s Ă leur juste valeur.
Les leviers évoqués :
â des prix garantis,
â la rĂ©munĂ©ration pour services environnementaux,
â et une meilleure rĂ©partition de la valeur au sein des filiĂšres.
« On ne changera pas le modĂšle si lâĂ©leveur nâen vit pas. »
đ©âđŸ Le facteur humain, clĂ© de la rĂ©ussite
Lâun des points les plus forts de la confĂ©rence : la crise du renouvellement.
Jancovici rappelle que le facteur limitant de la production agricole de demain sera le nombre de bras.
Autrement dit, sans attractivité du métier, la transition restera théorique.
Les Ă©leveurs prĂ©sents ont aussi insistĂ© sur la nĂ©cessitĂ© dâun âprotectionnisme intelligentâ, basĂ© non pas sur les prix, mais sur les normes environnementales.
Objectif : protéger le modÚle vertueux français de la concurrence internationale moins-disante.
đ§ En conclusion : repenser la rĂ©silience du modĂšle agricole
Cette confĂ©rence a mis en lumiĂšre un constat lucide mais porteur dâespoir :
đ le modĂšle agricole français peut Ă©voluer vers plus dâautonomie, de sobriĂ©tĂ© et de cohĂ©rence Ă©cologique, sans renoncer Ă nourrir la population.
Mais cette mutation suppose de remettre de lâĂ©nergie humaine, de la valeur et du bon sens agronomique dans nos fermes.
« La transition nâest pas une option. Câest une adaptation Ă la physique du monde. »
đ„ Ă voir ou revoir : la confĂ©rence complĂšte de Jean-Marc Jancovici
Pour aller plus loin, ne manquez pas la conférence dans son intégralité :
đ [Regarder la confĂ©rence sur YouTube]
Une heure pour comprendre, chiffres Ă lâappui, pourquoi lâavenir de lâĂ©levage herbager est aussi lâavenir de la rĂ©silience agricole.

