🧠 On vous rĂ©sume la confĂ©rence de Jean-Marc Jancovici au Sommet de l’Élevage 2025

Publié le 15 octobre 2025 par Ousémi Horsfall

Lors du Sommet de l’Élevage 2025, l’ingĂ©nieur et expert Ă©nergie-climat Jean-Marc Jancovici est venu aborder un sujet crucial : l’avenir de l’agriculture et de l’élevage face Ă  la double contrainte du climat et de l’énergie.

Une confĂ©rence dense, lucide et saluĂ©e pour sa capacitĂ© Ă  mettre des chiffres clairs derriĂšre un enjeu majeur : comment continuer Ă  nourrir la France dans un monde oĂč les Ă©nergies fossiles se rarĂ©fient ?


🌍 Une double contrainte : climat et Ă©nergie

Pour Jancovici, la transformation du modùle agricole n’est pas une question d’opinion, mais une question de physique.

« La dĂ©carbonation, on va devoir la gĂ©rer. Parce que mĂȘme si on n’en veut pas, on va la subir. »


Le changement climatique, une réalité physique

Le rĂ©chauffement climatique est dĂ©sormais irrĂ©versible Ă  court terme. MĂȘme si les Ă©missions de CO₂ s’arrĂȘtaient demain, leur effet se prolongerait pendant des milliers d’annĂ©es.

Conséquence directe pour les agriculteurs : plus de sécheresses, moins de rendement herbager, plus de stress thermique pour les animaux.

Une Europe dépendante du pétrole

L’autre contrainte est Ă©nergĂ©tique. L’Union europĂ©enne importe 97 % de son pĂ©trole et 90 % de son gaz. Or, selon les projections du Shift Project, les exportations des principaux pays producteurs vers l’Europe devraient ĂȘtre divisĂ©es par deux d’ici 2050.

Cela signifie une chose :

« MĂȘme sans parler de climat, la baisse de l’accĂšs Ă  l’énergie fossile rendra notre modĂšle agricole actuel intenable. »



⚙ Le rĂŽle des Ă©nergies fossiles dans l’agriculture moderne

L’agriculture a connu une rĂ©volution grĂące au pĂ©trole et au gaz. Mais cette dĂ©pendance est aussi sa faiblesse.

Une puissance énergétique colossale

Un tracteur de 80 chevaux équivaut à la force de 600 paires de jambes de cyclistes entraßnés.

Une moissonneuse-batteuse, Ă  5 000 paires de jambes.

Cette puissance mĂ©canique, permise par le pĂ©trole, a rendu possible une productivitĂ© inĂ©dite. Mais elle a aussi créé une dĂ©pendance forte : sans Ă©nergie fossile, plus d’engrais, plus de transport, plus de logistique.

« L’agriculture moderne, c’est d’abord de l’énergie transformĂ©e en nourriture. »


đŸŒŸ Le scĂ©nario du Shift Project : concilier production, climat et rĂ©silience

Le Shift Project, que préside Jancovici, a développé un scénario de conciliation entre production alimentaire, résilience énergétique et objectifs climatiques.

Un modÚle agricole repensé

Ce scénario permettrait à la France :

  • de nourrir 87 millions de personnes en 2050,
  • de diviser par 2,5 les importations (notamment de soja),
  • de tripler la production de bioĂ©nergie,
  • et d’atteindre les objectifs de la StratĂ©gie Nationale Bas-Carbone (SNBC).

Le tout, sans effondrement du potentiel nourricier ni décapitalisation massive du cheptel.



🐄 L’élevage herbager au cƓur de la transition

Dans cette perspective, l’élevage herbager n’est pas un problĂšme, mais une partie de la solution.

Les prairies, un puits de carbone sous-estimé

Les prairies permanentes stockent autant de carbone qu’une forĂȘt Ă  l’hectare. Elles compensent aujourd’hui 25 Ă  30 % des Ă©missions des ruminants français. Leur maintien est donc un levier stratĂ©gique pour le climat.

« Retourner une prairie, c’est comme brĂ»ler une forĂȘt : on libĂšre immĂ©diatement le carbone accumulĂ©. »


Les systĂšmes herbagers, plus sobres et plus autonomes

Les Ă©levages Ă  base d’herbe consomment dix fois moins d’énergie indirecte (engrais, aliments achetĂ©s) que les systĂšmes intensifs Ă  base de maĂŻs ou de soja.

Ils sont moins dépendants des intrants, plus résilients face aux chocs énergétiques, et valorisent des surfaces non cultivables.

En résumé :

« Le ruminant reste le seul capable de transformer l’herbe, que nous ne mangeons pas, en protĂ©ines. »



đŸ’¶ Une transition possible, Ă  condition d’assurer la viabilitĂ© Ă©conomique

Le Shift Project a mené une grande consultation auprÚs de 8 000 agriculteurs.

Les résultats sont clairs :

  • 86 % des Ă©leveurs se disent inquiets pour la pĂ©rennitĂ© de leur ferme face au climat.
  • 75 % redoutent la hausse du coĂ»t de l’énergie.
  • Mais 93 % sont prĂȘts Ă  s’engager dans la transition, Ă  une condition : ĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ©s Ă  leur juste valeur.

Les leviers évoqués :

✅ des prix garantis,

✅ la rĂ©munĂ©ration pour services environnementaux,

✅ et une meilleure rĂ©partition de la valeur au sein des filiĂšres.

« On ne changera pas le modĂšle si l’éleveur n’en vit pas. »



đŸ‘©â€đŸŒŸ Le facteur humain, clĂ© de la rĂ©ussite

L’un des points les plus forts de la confĂ©rence : la crise du renouvellement.

Jancovici rappelle que le facteur limitant de la production agricole de demain sera le nombre de bras.

Autrement dit, sans attractivité du métier, la transition restera théorique.

Les Ă©leveurs prĂ©sents ont aussi insistĂ© sur la nĂ©cessitĂ© d’un “protectionnisme intelligent”, basĂ© non pas sur les prix, mais sur les normes environnementales.

Objectif : protĂ©ger le modĂšle vertueux français de la concurrence internationale moins-disante.


🧭 En conclusion : repenser la rĂ©silience du modĂšle agricole

Cette confĂ©rence a mis en lumiĂšre un constat lucide mais porteur d’espoir :

👉 le modĂšle agricole français peut Ă©voluer vers plus d’autonomie, de sobriĂ©tĂ© et de cohĂ©rence Ă©cologique, sans renoncer Ă  nourrir la population.

Mais cette mutation suppose de remettre de l’énergie humaine, de la valeur et du bon sens agronomique dans nos fermes.

« La transition n’est pas une option. C’est une adaptation Ă  la physique du monde. »


đŸŽ„ À voir ou revoir : la confĂ©rence complĂšte de Jean-Marc Jancovici

Pour aller plus loin, ne manquez pas la conférence dans son intégralité :

👉 [Regarder la confĂ©rence sur YouTube]

Une heure pour comprendre, chiffres Ă  l’appui, pourquoi l’avenir de l’élevage herbager est aussi l’avenir de la rĂ©silience agricole.