L'élevage durable, un enjeu complexe et multifacette
La complexité de l'élevage durable : un équilibre à trouver
Définir l'élevage durable est loin d'être une tâche simple. Souvent, le débat se concentre principalement sur les émissions de gaz à effet de serre (GES), laissant de côté d'autres aspects cruciaux qui définissent la durabilité de l'élevage. Pourtant, l'élevage présente une multitude d'externalités, positives et négatives, qu'il est impératif de considérer pour adopter une vision globale.
Les externalités positives : un atout pour l'environnement et les territoires ruraux
L'élevage joue un rôle vital dans le maintien de la biodiversité. En Europe, près de 30 % des terres agricoles sont des prairies permanentes, gérées par des éleveurs. Ces prairies servent d'habitat à de nombreuses espèces, favorisant ainsi la biodiversité. En France, ces espaces abritent près de 50 % des espèces d’oiseaux et de plantes recensées. De plus, ces terres améliorent la fertilité des sols grâce à l'enrichissement en matière organique.
Les prairies jouent également un rôle dans la lutte contre le changement climatique. Elles capturent et stockent du carbone dans le sol, à des taux estimés à environ 1,6 tonne de CO2 par hectare et par an. À l'échelle de l'Union européenne, cela représente environ 10 millions de tonnes de CO2 stockées chaque année.
L'impact de l'élevage s'étend également à l'économie rurale. En France, l'agriculture et l'élevage représentent 18 % des emplois dans les zones rurales, soit environ 1,4 million d'emplois directs et indirects. Ces activités sont essentielles pour la vitalité des territoires, offrant des perspectives d’emploi et contribuant au maintien des services publics et des commerces locaux.
L'élevage contribue également à la gestion des risques naturels. En maintenant des paysages ouverts, les troupeaux réduisent le risque d'incendies de forêt en limitant la propagation des broussailles. De plus, le pâturage sur les pentes des montagnes aide à prévenir l'érosion des sols, en maintenant une couverture végétale qui stabilise le terrain.
Les externalités négatives : un impact à maîtriser
Cependant, les externalités négatives de l'élevage ne peuvent pas être ignorées. Selon la FAO, l'élevage est responsable d'environ 14,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit plus que le secteur des transports. Ces émissions proviennent principalement de la fermentation entérique des ruminants, de la gestion des déjections animales et de la production de fourrage. En France, l'élevage est responsable de 47 % des émissions de méthane agricole, un gaz à effet de serre dont le potentiel de réchauffement global est 28 fois supérieur à celui du CO2 sur 100 ans.
Outre les émissions de GES, l'élevage peut également contribuer à la pollution des eaux. Les effluents d'élevage, riches en azote et en phosphore, peuvent entraîner la contamination des nappes phréatiques et des cours d'eau, causant des phénomènes d'eutrophisation qui nuisent aux écosystèmes aquatiques.
Différencier les types d'élevage : une approche nuancée nécessaire
L'élevage ne doit pas être traité comme une réalité monolithique. La diversité des systèmes d'élevage, des régions et des pratiques impose une approche nuancée. L'élevage extensif du Massif central en France, qui repose sur le pâturage des prairies naturelles, a un impact environnemental très différent de celui de l'élevage intensif pratiqué dans certaines régions du Brésil. Là où l’élevage extensif peut contribuer à la biodiversité et à la séquestration du carbone, l’élevage intensif peut, s’il n’est pas bien géré, entraîner la déforestation et une forte émission de GES.
Vers une évaluation rigoureuse et des politiques publiques adaptées
Pour évaluer la durabilité de l'élevage, une approche multi-critères est nécessaire, intégrant à la fois les dimensions environnementales, économiques et sociales. Le Dialogue stratégique sur l'avenir de l'agriculture dans l'UE propose ainsi une stratégie globale, basée sur des données scientifiques solides et la consultation de toutes les parties prenantes. Il s'agit d'évaluer les externalités de chaque type d'élevage de manière rigoureuse, pour identifier et soutenir les pratiques les plus durables.
Les politiques publiques doivent accompagner cette transition en encourageant les pratiques d’élevage respectueuses de l'environnement. Cela pourrait passer par des aides financières aux agriculteurs adoptant des pratiques vertueuses, telles que l'agroforesterie, le pâturage tournant ou l'alimentation animale à faible empreinte carbone.
L'élevage durable : un défi et une opportunité
L'élevage durable représente un défi complexe, mais aussi une opportunité de trouver un équilibre entre productivité, préservation de l'environnement et bien-être des territoires ruraux. Il s'agit de construire des systèmes d'élevage qui valorisent les ressources naturelles, tout en limitant les impacts négatifs. Pour y parvenir, un changement de paradigme est nécessaire, impliquant l'ensemble des acteurs du secteur : agriculteurs, chercheurs, décideurs politiques et consommateurs.
Ensemble, nous pouvons relever le défi de l'élevage durable, pour un avenir où production agricole et protection de la planète vont de pair.
Victor Berthon