Le Comptoir des éleveurs

ANTIBIOTIQUES : Les élevages français sont d'excellents élèves… mais ne sont ni protégés, ni récompensés.

Le saviez-vous ? En France, depuis 2011, l’exposition des animaux d’élevage aux antibiotiques a diminué de 52%. Les États Généraux du sanitaire (EGS) tenus en 2010 ont débouché sur un Plan « Eco-antibio » sur la période 2012 – 2016 destiné à réduire l’utilisation des antibiotiques vétérinaires. Construit en 5 axes déclinés en 40 mesures destinées à sensibiliser l’ensemble des acteurs (éleveurs, vétérinaires, pharmaciens, industries pharmaceutiques, …), développer les alternatives et renforcer l’encadrement des pratiques commerciales et de prescription, ce plan a produit d’excellents résultats ! Alors que l’objectif visé était une diminution de 25% de l’exposition des animaux aux antibiotiques en cinq ans, celle-ci avait déjà diminué de 37% à l’issue de la première période. Dans le même temps, les principaux exportateurs mondiaux de viandes ont continué d’utiliser toujours plus d’antibiotiques, notamment pour accélérer la croissance de leurs animaux : une pratique strictement interdite au sein de l’Union européenne depuis 2006 pour lutter contre l’antibiorésistance, mais qui ne fait à ce jour l’objet d’aucune restriction aux importations. Ainsi, en 2023, l’Union européenne importait 838 305 tonnes équivalent carcasse (tec) de viandes de volaille dont 638 507 tec en provenance du Brésil, de l’Ukraine et de la Thaïlande où les élevages industriels utilisent massivement les antibiotiques facteurs de croissance. Ce sont, également, 340 000 tec de viandes bovines qui arrivaient sur le marché européen, dont 192 000 tec depuis le Brésil où la part de bovins engraissés en feedlots et dopés aux antibiotiques ne cesse de croître. Au Canada, avec qui l’Union européenne a conclu un accord de libre-échange toujours pas ratifié mais déjà appliqué – le désormais célèbre CETA -, la quantité d’antibiotiques utilisée pour les animaux d’élevage (mg d’antibiotiques / kg d’animaux) est 3 fois plus élevée que la médiane des 31 pays européens. La quantité totale d’antibiotiques vendue et ramenée au kilogramme d’animal continue à augmenter pour les bovins de boucherie et les porcs. En 2020, 82% des antibiotiques importants sur le plan médical vendus au Canada étaient destinés à une utilisation en élevage. Soit, ramené au kilogramme, une consommation 1,8 fois plus élevée d’antibiotiques en élevage que pour la santé humaine. Et le CETA ne comporte aucune clause visant à interdire l’accès de viandes issues de bovins dopés aux antibiotiques au quota annuel de 65 000 tec de viandes bovines à droits de douane nuls concédé par l’Union européenne au Canada. L’impact de cette pratique d’élevage sur le développement de l’antibiorésistance, qui tue déjà 1,2 millions de personnes dans le monde chaque année et menace 10 millions de vie à horizon 2050, est pourtant avéré depuis de très nombreuses années. Cet exemple des antibiotiques en élevage, comme tant d’autres en matière de « transition » du secteur agricole, met en lumière ce constat difficile à accepter : les efforts réalisés par les agriculteurs français afin de protéger toujours mieux la santé et l’environnement sont, en permanence, gâchés ou découragés par les effets d’un commerce mondial non régulé. Source : Etude « A quand la fin des importations de viandes issues d’animaux dopés aux antibiotiques activateurs de croissance ? Enquête sur l’absence de mise en oeuvre d’une mesure miroir essentielle pour la santé. » - Institut Veblen, Juin 2024.
Vous devez être membre et connecté pour accéder à cette fonctionnalité