Comprendre l’agnelage : une étape clé en élevage ovin
L’agnelage est une étape charnière dans le cycle de production d’un troupeau ovin. En quelques heures seulement, la santé de la brebis, la survie des agneaux, et in fine la rentabilité de l’atelier ovin doivent être passés au peigne fin. Pourtant, bien préparé, ce passage clé peut devenir une vraie réussite. Dans cet article, on vous explique comment bien comprendre et gérer cette phase décisive, en vous appuyant sur des conseils concrets, à la fois techniques et accessibles.
Pourquoi l’agnelage est une étape stratégique
L’agnelage est un moment décisif dans le cycle de production d’un troupeau ovin. Il ne dure que quelques heures, mais son impact est considérable sur les résultats techniques et économiques de l’exploitation. Survie des agneaux, santé de la mère, qualité du démarrage en lactation : tout se joue à ce moment-là. En contexte de hausse continue des charges (alimentation, énergie, intrants), réussir l’agnelage devient une priorité pour optimiser le revenu.
C’est aussi une question d’organisation : anticiper les mises à bas, surveiller efficacement, intervenir au bon moment : tout cela suppose une bonne connaissance du déroulement de l’agnelage et des signes d’alerte.
Reconnaître les signes avant-coureurs et comprendre le déroulement
La gestation dure entre 144 et 151 jours, avec une moyenne autour de 147. La date des premiers agnelages peut donc être anticipée dès la mise au bélier. Le début du travail se manifeste par des signes bien identifiables. Dix jours avant, les mamelles de la brebis sont tendues, remplies de colostrum. La vulve devient souple et légèrement congestionnée. Dans les heures qui précèdent l’agnelage, la brebis montre des signes d’agitation, gratte le sol, se couche et se relève, cherche à s’isoler du troupeau. Ces comportements sont des indicateurs fiables du début de la mise-bas.
Un agnelage se déroule en trois étapes :
- La dilatation : l’utérus contracte et expulse un mucus blanc épais (le bouchon cervical). C’est souvent discret. Cette phase dure de 3 à 4 heures.
- L’expulsion : les membranes se rompent, un liquide clair s’écoule. Les pattes antérieures puis le museau de l’agneau apparaissent. La brebis pousse progressivement, l’agneau est expulsé dans l’heure suivant la rupture de la poche.
- La délivrance : le placenta est expulsé dans les 2 à 3 heures. En cas de jumeaux, chaque fœtus a sa propre poche placentaire.
Certaines brebis agnèlent debout si elles sont stressées. Or, cela peut nuire à l’adoption. Il est donc essentiel de préserver un environnement calme, propre et confortable.
Savoir quand et comment intervenir
La grande majorité des mises bas se déroulent sans aide (95 % selon les références techniques). Mais certains cas exigent une intervention rapide. Savoir évaluer la situation est donc primordial.
Les signes qui doivent alerter :
- La brebis a perdu les eaux depuis plus de 45 minutes (ou 1 heure chez une agnelle) sans progression visible.
- Des efforts expulsifs depuis plus de 20 minutes sans apparition des membres ou de la tête.
- Présentation anormale : pattes repliées, tête en arrière, siège.
- Premier agneau né mais le second tarde à venir (plus d’une heure d’attente).
Avant toute manipulation, il faut adopter une routine hygienique stricte : mains lavées, gants propres, lubrifiant obstétrical. L’examen se fait calmement, en palpant la position de l’agneau dans le vagin. En présentation normale, on sent les deux pattes avant encadrant la tête. On peut alors utiliser des lacets placés au-dessus des boulets, synchroniser la traction avec les contractions.
Dans les cas de présentation anormale :
- Si une patte est repliée : ramener la patte avec précaution.
- Si la tête est tournée : repousser les membres, faire pivoter doucement la tête avec les mains ou une cordelette passée derrière les oreilles.
- En cas de siège : urgence. Il faut ramener les postérieurs, en couvrant les onglons pour éviter de blesser l’utérus.
- En cas d’agneaux emmêlés : identifier la tête et les pattes qui vont ensemble, repousser l’autre agneau pour le désengager.
Il est conseillé de surélever la brebis en plaçant les grassets sur une barrière. Cela fait redescendre l’agneau dans la matrice et facilite les manœuvres internes. Si aucune progression n’est possible malgré une présentation correcte, une césarienne doit être envisagée. Une traction trop forte peut être fatale à la brebis comme à l’agneau.
Les soins immédiats à apporter aux agneaux et à la mère
Une fois l’agneau né, les soins de base sont rapides mais essentiels. Il faut s’assurer :
- qu’il respire (dégager les voies respiratoires, friction légère si besoin)
- que la mère commence à le lécher, sans être dérangée ;
- qu’il parvient à se tenir debout et à téter.
Le colostrum est une priorité absolue. Il contient les anticorps indispensables à la protection immunitaire du nouveau-né. Chaque agneau doit boire au moins 1 litre de colostrum en 24 heures, dont une première tétée dans les 6 premières heures.
Si la mère est trop fatiguée ou que l’agneau est faible, on peut traire la brebis et distribuer le colostrum au biberon. En cas d’absence de colostrum maternel, on peut utiliser du colostrum congelé ou en poudre, à condition de respecter les bonnes pratiques de réchauffage et de dosage.
Pour repérer les agneaux à surveiller (retard de tétée, adoption incertaine), certains éleveurs utilisent des élastiques à bocaux placés autour du cou. D’autres marquent les agneaux avec une tétine usagée ou les isolent temporairement dans un coin de la bergerie.
Côté brebis, il faut observer l’état général : absence de fièvre, comportement maternel correct, pas d’écoulement malodorant. En cas de doute, une visite vétérinaire est recommandée.
Préparer efficacement la période d’agnelage
Un agnelage réussi se joue bien avant la mise bas. La préparation alimentaire du dernier mois de gestation est déterminante.
Objectifs :
- favoriser une bonne croissance fœtale sans excès ;
- assurer un bon colostrum ;
- limiter les mises bas difficiles liées à des agneaux trop gros.
Il est conseillé d’adapter les rations selon le nombre d’agneaux attendus. Par exemple :
- Foin riche + 400 à 600 g de céréales + 200 à 300 g de tourteau pour les brebis portant deux agneaux.
- CMV type 7/21 ou 14/14 selon les matières premières utilisées.
Séparer les gestantes simples des doubles permet d’économiser du concentré sans pénaliser la productivité. Une brebis sous-alimentée produira un colostrum de mauvaise qualité, avec un risque élevé de mortalité néonatale.
Enfin, soigner les conditions de logement est indispensable : litière sèche, ventilation maîtrisée, lumière naturelle si possible, installer des caillebotis sous les têtières, prévoir des cases d’agnelage bien paillées, organiser les astreintes de surveillance : tout cela facilite le bon déroulement de la période.
L’agnelage est un moment décisif qui demande attention, rigueur et savoir-faire. En comprenant les mécanismes, en identifiant les situations à risque et en agissant avec méthode, chaque éleveur peut améliorer significativement la survie de ses agneaux et le bien-être de ses brebis. Mieux préparé, mieux accompagné, l’élevage ovin gagne en efficacité et en sérénité.
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