Que retenir du rapport économique AXEMA de 2025 ?
Le rapport économique 2025 d’AXEMA, le syndicat français des acteurs industriels l'agroéquipement et de l'agroenvironnement, dresse un état des lieux complet d’un secteur stratégique pour l’agriculture française. Après plusieurs années d’expansion, le marché recule, mais cette phase de stabilisation ouvre aussi des perspectives : innovation, montée en gamme, structuration territoriale. Voici un point sur les grandes tendances.
Un recul attendu après une forte croissance
En 2024, les ventes d’agroéquipements ont chuté de 14 %, pour atteindre 8 milliards d'euros. C'est la première baisse depuis 2017. Ce recul s'explique par la fin de l'effet post-Covid, où les commandes étaient très fortes. Les machines liées aux grandes cultures, à la vigne ou aux exploitations mixtes sont les plus concernées, mais certains matériels s’en sortent mieux : les outils pour l’élevage, les serres ou encore les espaces verts restent dynamiques.
Cette baisse est un signal d’alerte, mais elle ne remet pas en cause les besoins fondamentaux du secteur. Les agriculteurs ont toujours besoin d’équipements performants, mais les décisions d’achat sont désormais plus réfléchies et étalées dans le temps. Les investissements sont conditionnés par des facteurs multiples : récoltes, prix de vente, aides publiques, météo... Les fabricants doivent donc s’adapter à un cycle plus lent, mais toujours soutenu à moyen terme.
Des prix qui restent élevés
Entre 2020 et 2023, les prix des machines ont grimpé de 26 %. En cause : le prix des matières premières, de l’énergie, et des composants électroniques. Même si la hausse ralentit, les prix restent 30 % plus chers qu'avant la crise. Les machines sont aussi de plus en plus puissantes (169 chevaux en moyenne pour un tracteur neuf), connectées et précises, bien que celà les rend aussi plus chères à fabriquer et à entretenir.
À titre d’exemple, un tracteur avec GPS, télémétrie et chargeur frontal peut coûter jusqu’à 250 000 €. Et ce prix n’inclut pas toujours la maintenance, les logiciels ou les abonnements aux services numériques. Acheter du matériel neuf devient donc un vrai choix stratégique. Pour s’adapter, des solutions alternatives se développent : location longue durée, matériel reconditionné, ou revente via plateforme.
Certaines coopératives et concessionnaires proposent désormais des offres clés en main : formation, suivi technique, financement progressif. Ces offres séduisent les jeunes agriculteurs qui souhaitent s’équiper sans trop s’endetter.
Une filière puissante, mais à deux vitesses
Le secteur compte 614 entreprises et 28 500 salariés, pour un chiffre d’affaires de 16 milliards €. Mais tout le monde ne joue pas dans la même cour :
- Les grandes entreprises et Entreprises de taille intermédiaires (ETI) font 88 % du chiffre d'affaires.
- Les PME (souvent familiales) représentent 30 % de l'emploi, mais seulement 11 % du CA.
- Les micro-entreprises sont nombreuses, mais concentrent peu de valeur.
Certaines PME jouent pourtant un rôle essentiel dans la fabrication de pièces spécifiques ou l’adaptation locale des machines. Leur savoir-faire artisanal et leur proximité avec les éleveurs ou agriculteurs sont des atouts clés. La France est le 3e producteur de tracteurs en Europe, avec 32 000 unités produites en 2023. Parmi les grandes marques présentes sur le territoire : CLAAS, Manitou, Kuhn, AGCO, Kubota…
Le secteur est bien ancré dans les régions : Pays de la Loire, Hauts-de-France, Grand Est… mais aussi en Bretagne et Centre-Val de Loire. Ces bassins industriels dynamisent l’économie locale. Enfin, le besoin en main-d’œuvre qualifiée est fort : mécaniciens, techniciens, data-managers, etc. AXEMA insiste sur l’importance de la formation continue pour suivre l’évolution des métiers. Des formations sur la maintenance connectée ou la conduite automatisée se développent dans les lycées agricoles et les CFA.
Exportations en tension, innovation en réponse
En 2024, les exportations ont baissé de 21 %, à 3,7 milliards €. Les importations sont aussi en baisse (-17 %) mais restent plus élevées (5,7 milliards €). Résultat : un déficit commercial de 2 milliards, surtout face à l’Allemagne. Pourquoi ? Parce que la France importe encore beaucoup de matériels très techniques qu’elle ne fabrique pas toujours : moissonneuses-batteuses très haut de gamme, robots spécialisés, moteurs embarqués…
Pour être plus compétitive, les entreprises françaises misent sur :
- Des investissements industriels (robotisation, automatisation),
- Des services intelligents (diagnostic à distance, maintenance prédictive),
- Et des équipements plus connectés et durables.
Plusieurs entreprises développent des prototypes en France, mais doivent encore franchir le cap de la production à grande échelle. Les aides à l’innovation et à l’export peuvent jouer un rôle clé.
Des marges préservées malgré le contexte
Bonne surprise : même si les ventes baissent, les marges augmentent. Le taux de résultat net atteint 4,9 % en 2023, un record depuis 10 ans. Le résultat net du secteur atteint 495 M€, soit +40 % par rapport à 2022.
Comment expliquer cela ?
- Les entreprises ont bien géré les hausses de coûts (matières premières en hausse de +79 % entre 2020 et 2023).
- Elles ont aussi réussi à augmenter leurs prix sans trop perdre de clients.
- La montée en gamme des produits permet de dégager plus de valeur par vente.
Mais en comparaison européenne, la France reste en retrait. Le taux de marge brute est de 5,4 %, contre 14,2 % en Allemagne. Cela reflète aussi une moindre capacité à exporter et à produire en volume.
Depuis décembre 2024, les commandes repartent à la hausse. Si les conditions agricoles sont bonnes cet été, les livraisons pourraient reprendre d’ici fin 2025. AXEMA espère une vraie reprise en 2026. Certains industriels annoncent déjà des carnets de commandes remplis pour le premier semestre 2025.
Le rapport d’AXEMA montre que l’agroéquipement reste un pilier stratégique de l’agriculture française. Même en période de repli, la filière prouve sa capacité d’adaptation : montée en gamme, diversification, innovations de rupture... L’enjeu pour les prochaines années est clair : accompagner la modernisation des exploitations tout en répondant aux exigences environnementales et économiques.
Investir dans l’outil, c’est aussi investir dans la performance des exploitations, dans l’attractivité des métiers agricoles et dans la compétitivité de notre agriculture. Pour les industriels, les distributeurs, les agriculteurs et les pouvoirs publics, le temps est venu d’avancer ensemble vers une agriculture plus agile, plus technologique et plus résiliente.
Source : Rapport économique 2025 - AXEMA