PAC post-2027 : ce qu'il faut retenir de la conférence du 15 avril

Publié le 5 mai 2025 par Ousémi Horsfall


© Xavier Remongin/agriculture.gouv.fr


Le 15 avril 2025, la France a lancé sa réflexion nationale sur la future Politique agricole commune (PAC), qui entrera en vigueur en 2027. Cette conférence, organisée à Paris par la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, avait un objectif clair : construire une position solide et partagée pour peser dans les décisions européennes à venir. Pourquoi c’est important ? Parce que la PAC, c’est ce qui structure une grande partie du soutien à l’agriculture en France : aides directes, installation des jeunes, gestion des risques, transition écologique… Elle concerne directement le quotidien des agriculteurs et des éleveurs.

Trois grands sujets ont guidé les échanges : compétitivité des filières et revenu des agriculteurs, gestion des risques face au changement climatique, et accélération de la transition écologique. Autrement dit : produire, résister, transformer. Et derrière ces enjeux, une question posée en filigrane tout au long de la journée : Quelle politique agricole forte, unie, écoresponsable et durable peut-on construire à l’échelle de l’Europe ?


Une conférence nationale stratégique et très suivie

Plus de 200 participants avaient fait le déplacement, parmi lesquels des représentants d’organisations agricoles, des ONG, des experts, des parlementaires français et européens ainsi que des délégués d’États membres. Un format ouvert et représentatif, pleinement à la hauteur des ambitions portées par la France. Cette conférence nationale s’inscrivait dans un calendrier européen particulièrement dense : en février 2025, la Commission européenne avait présenté sa vision stratégique pour l’agriculture et l’alimentation, un document d’orientation en attendant les propositions législatives, qui doivent être déposées d’ici la fin de l’année.

La France, de son côté, veut s’appuyer sur les réalités du terrain pour peser dans les discussions. La ministre l’a rappelé :

« Il ne saurait y avoir de sécurité ni pour notre pays, ni pour l’Europe, sans que notre souveraineté alimentaire ne soit garantie. »


Un consensus fort sur le maintien d’un budget dédié

Parmi les points qui ont fait consensus, un message a été répété avec force par les participants : la PAC doit conserver un budget spécifique clair. Ce budget est essentiel pour continuer à financer les aides à l’installation, les outils de gestion de crise, les mesures agroenvironnementales, ou encore l’innovation agricole. Il ne peut être question de fondre ces financements dans un "fonds global" européen. Une PAC forte passe par des moyens stables et lisibles pour les exploitations.




Cinq grands constats partagés


1. La souveraineté alimentaire est à reconstruire

Entre la guerre en Ukraine, la volatilité des marchés et la dépendance aux intrants importés, la sécurité alimentaire européenne est devenue un sujet stratégique. En 2024, l’excédent commercial agricole français est tombé à 4,9 milliards d’euros, contre près de 12 milliards en 2010.

2. Les revenus agricoles restent fragiles

Aujourd’hui encore, 66 % des aides PAC en France proviennent des paiements directs du 1er pilier. Mais ces aides sont inégalement réparties : 20 % des exploitations reçoivent plus de la moitié des montants. Pour les petites et moyennes fermes, il devient difficile de tenir.

3. Le renouvellement des générations est menacé

D’ici 2035, 43 % des chefs d’exploitation auront plus de 65 ans. Or, le taux d’installation reste insuffisant : chaque année, environ 14 000 installations pour plus de 20 000 départs. Il faut simplifier les dispositifs, financer l’investissement, et rendre le métier plus accessible.

4. Le climat impose de nouveaux outils de gestion des risques

Sécheresses, inondations, maladies animales : les risques s’intensifient. Le système actuel a été réformé, mais reste complexe. Il faut renforcer les dispositifs existants (Fond national agricole de Mutualisation du risque Sanitaire et Environnemental, assurance récolte, réserve de crise européenne…) et mieux les articuler.

5. La transition écologique avance, mais mérite mieux

L’écorégime, les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et autres dispositifs existent, mais leur mise en œuvre est parfois floue ou trop complexe. De nombreux agriculteurs attendent une reconnaissance concrète des efforts fournis. C’est l’un des enjeux majeurs des années à venir.



Trois grands axes pour la PAC post-2027

La conférence s’est structurée autour de trois tables rondes, correspondant aux priorités identifiées.


Axe 1. Compétitivité, souveraineté, revenu des agriculteurs

Comment renforcer durablement les filières agricoles européennes, dans un contexte de concurrence mondiale, de volatilité des prix et de hausse des coûts de production ?

Les propositions évoquées :

    renforcer les aides directes, en les orientant davantage vers les exploitations à taille humaine ;

    moderniser les outils de production, via des aides à l’investissement et aux filières stratégiques ;

    soutenir l’organisation économique des producteurs à l’échelle locale et régionale ;

    garantir une meilleure répartition des aides, pour corriger les déséquilibres existants ;

    préserver une concurrence loyale au sein de l’UE en renforçant la réciprocité des normes vis-à-vis des importations.

Le renouvellement des générations reste aussi central : aides à l’installation, accès au foncier, formation, accompagnement financier… La PAC doit continuer à financer ces leviers de manière prioritaire.

Voici un guide complet sur les aides PAC pour les éleveurs professionnels : https://www.comptoir-des-eleveurs.com/articles/7408412c-4fde-ef11-88f8-6045bd954a5e/aides-pac-pour-les-eleveurs-professionnels-un-guide-complet


Axe 2. Risques, résilience et adaptation au changement climatique

Le second axe a porté sur les aléas climatiques, sanitaires et économiques, de plus en plus fréquents et violents. L’enjeu est clair : comment renforcer la résilience des exploitations et protéger les revenus agricoles face à l’incertitude ?

Les pistes discutées :

    améliorer l’accès à l’assurance récolte, qui reste trop peu souscrite ;

    renforcer le FMSE pour mieux compenser les pertes sanitaires ou environnementales ;

    mobiliser la réserve de crise européenne plus rapidement, avec des règles plus souples ;

    financer des actions préventives: diversification, stockage, irrigation, agroéquipements adaptés…

Ce volet inclut aussi les régions ultrapériphériques (RUP), souvent plus vulnérables aux dérèglements climatiques, et qui demandent des solutions spécifiques.


Axe 3. Transition écologique et reconnaissance des services environnementaux

Le troisième axe a abordé la transition agroécologique, au cœur des attentes sociétales et des objectifs européens (climat, biodiversité, eau). Les pratiques agricoles ont un rôle clé à jouer, mais les agriculteurs doivent être accompagnés et reconnus.

Les outils à renforcer :

    l’écorégime, qui doit rester lisible et atteignable ;

    les MAEC, qui doivent mieux coller aux enjeux locaux ;

    les aides à la conversion bio, souvent essentielles en début de transition ;

    les aides à l’investissement durable, pour moderniser les fermes ;

    le conseil technique et la formation, pour faire monter les compétences ;

    la reconnaissance des services écosystémiques (carbone, qualité de l’eau, biodiversité) via des dispositifs incitatifs.




Cette conférence du 15 avril a marqué un tournant dans la préparation de la future PAC. Les lignes directrices sont posées, les priorités partagées, et les attentes du terrain clairement exprimées, mais l’essentiel reste à faire. Derrière les sigles, les piliers et les dispositifs, il y a une réalité concrète : des agriculteurs qui doivent vivre de leur métier, s’adapter au climat, transmettre leur ferme et continuer à nourrir la société.  C’est une occasion unique de remettre du sens dans la politique agricole européenne et une opportunité pour reconstruire un contrat de confiance entre le monde agricole, les institutions et les citoyens.


Retrouvez également cette actualité dans notre dernier podcast Bruits de comptoir 



Source :

https://agriculture.gouv.fr/annie-genevard-reunit-les-parties-prenantes-pour-echanger-sur-les-enjeux-de-la-prochaine-pac